C’étaient pourtant bien toujours les mêmes yeux candides, d’un bleu
gris, très largement ouverts dans le noir épais des cils, toujours les yeux
du petit ange de la Fête-Dieu, qui éclairaient sa figure déjà virile et fière.
Et ils désarmaient les reproches, ces yeux-là, par tout ce qu’ils avaient
d’enfantin et d’irresponsable, de très doux aussi et de très bon.

En réalité, il était doux et bon comme son regard le disait, ce Jean
si peu sage. Sa mère et son grand-père, qu’il avait presque constamment
fait souffrir, il les aimait avec une tendre adoration. S’il était dur avec
eux souvent, c’est qu’ils représentaient encore pour lui l’autorité, contre
laquelle son indiscipline naturelle se maintenait en révolte.

Le meilleur de son cœur, il le montrait aux plus humbles et aux plus dédaignés, à
Miette quelquefois, ou bien à de petits mendiants, à de vieux pauvres,
à des bêtes en détresse — et la maison était comiquement encombrée de
trois ou quatre maigres chats très laids, ramassés par lui, sauvés tout petits
de la noyade, essuyés avec amour et rapportés dans ses bras.

Un jour, le vieux grand-père, — toujours boutonné et correct dans sa
redingote noire, qu’on n’avait cependant pas renouvelée cette année pour
pouvoir payer un répétiteur de plus à son petit-fils, — arriva un peu plus
tard que de coutume, d’une allure saccadée qui n’était pas la sienne.
Miette, qui le guettait à la fenêtre de la cuisine, effrayée de lui voir un
journal à la main.

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