Tous les cœurs sont à la joie ; le dîner s’achève gaiement.
Lucienne est sortie le matin pour faire quelques emplettes.
Elle raconte spirituellement sa promenade dans les magasins. Les occasions d’étonnement ne lui ont pas manqué.
La politesse, en effet, n’est pas le fort du commerçant américain.
On entre dans une boutique, on commande, on paie et l’on sort, le plus
souvent sans rien dire autre chose que le nom de l’objet que l’on désire.

Fi ! des inutiles formules de politesse : « Bonjour, monsieur… » « Que
désirez-vous, monsieur ?… » etc.
Cela ne sert à rien et fait perdre le temps.
À Paris, un commerçant, qui conseillerait à ses employés d’agir de la
même façon, verrait bientôt disparaître sa clientèle.
À New York, la grossièreté semble toute naturelle.
Mais il faut nous habituer à l’idée qu’en toutes choses nous sommes
retardataires.

— Et puis, expliquait Lucienne, vous savez que je parle l’anglais
comme une Parisienne, c’est-à-dire très mal. Sans doute n’ai-je pas su
m’expliquer clairement ; car, ayant demandé un flacon d’eau de rose, je
me suis vu apporter, devinez quoi ?… une paire de bottes.
Tout le monde riait aux éclats.

— Ce n’est pas que ce ne soit pas nécessaire avec l’état marécageux
des rues, continua-t-elle parmi la gaieté générale. Mais enfin, je ne m’attendais pas à cela, et j’ai eu un instant de surprise.

— Bien naturelle, fit Ned. Mais as-tu fini par te faire comprendre ?

— Je commençais à y renoncer, lorsque est arrivé un grand diable
d’employé parlant le français aussi mal que je parle, moi, l’anglais. Enfin,
à nous deux, nous sommes parvenus à nous entendre.
M. Golbert souriait. Il était heureux comme il ne l’avait été depuis
bien des années.

Il se sentait entouré de sympathie, d’affection. Le rêve qu’il caressait
depuis si longtemps, la tâche à laquelle il avait consacré ses veilles, semblait être à la veille de se réaliser.

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