Une fois dans un régiment, ces fils de paysans oubliaient les misères
du village ; ils oubliaient leur mère et leurs sœurs ; ils ne connaissaient
plus que leurs officiers, leur colonel : des nobles qui les avaient achetés,
et pour lesquels ils auraient massacré le pays, en disant que c’était l’honneur du drapeau. Pourtant, aucun d’eux ne pouvait devenir officier :

– les vilains n’étaient pas dignes de porter l’épaulette ! – mais après s’être fait
estropier dans une bataille, ils avaient la permission d’aller mendier ! Les
finauds, postés dans quelque taverne, tâchaient de racoler des conscrits
et de garder les primes ; les plus hardis arrêtaient sur les grandes routes.

Il fallait envoyer les gendarmes, et même quelquefois une ou deux compagnies contre eux. J’en ai bien vu pendre une douzaine à Phalsbourg,
presque tous de vieux soldats, licenciés après la guerre de Sept-Ans.

Ils avaient perdu l’habitude du travail, ils ne recevaient pas un liard de pension, et furent tous pris à Vilschberg, en revenant d’arrêter une patache
sur la côte de Saverne.

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