Par un orgueil paternel fréquent chez ceux qui, n’ayant pas reçu
d’éducation première, ont eu grand-peine à se faire une position, Élie
Heurtey avait voulu que son fils reçût une éducation de bourgeois et
l’avait fait entrer au lycée.
Même pour un homme qui, en dehors de ses
travaux au port militaire, faisait travailler chez lui deux ou trois ouvriers,
c’était une grosse dépense.
Après lui, le fonds qu’il avait créé se réduisait
à bien peu de chose, les hommes qu’il employait n’étant que de simples
manœuvres ; Mme Heurtey le vendit sur-le-champ.
Elle avait droit à une pension, vu les circonstances qui l’avaient rendue veuve ; mais cette pension était une goutte d’eau dans la mer ! il fallait
trouver quelque chose.
Elle n’hésita pas : le métier qui lui avait procuré ses toilettes de jeune
fille lui donnerait à présent le pain de ses enfants ; elle retourna chez la
lingère qui l’employait autrefois et lui demanda du travail.
La bonne femme avait baissé, sa clientèle s’était éclaircie ;
elle proposa son fonds à Mme Heurtey, moyennant un peu d’argent comptant et
une rente viagère : la veuve accepta sans hésiter et employa le reste de
ses économies à remonter le fonds de commerce, déchu de son ancienne
splendeur.