Après avoir été présenté par M. Palmer à la comtesse Sarah et à M.
de la Ville-Handry, il s’était jeté dans la foule et manœuvrait pour se rapprocher d’elle.
Il allait d’un groupe à l’autre, lançant un mot de ci et de là, gagnant insensiblement et sans trop d’affectation une petite chaise restée libre
près de Mˡˡᵉ de la Ville-Handry.
Et à l’air de parfait sang-froid dont il en prit enfin possession, on devait croire qu’il avait mesuré tout ce que pouvait avoir de périlleux et de
compromettant une conversation confidentielle avec une jeune fille, sous
le feu des regards de cinquante ou soixante personnes.
Aussi débuta-t-il par quelques-unes de ces banalités qui sont la monnaie courante des salons, parlant assez haut pour être entendu des voisins
et dérouter leur curiosité s’ils eussent eu la fantaisie d’écouter.
Même, remarquant que Mˡˡᵉ de la Ville-Handry était fort rouge et tout
oppressée, et qu’elle arrêtait sur lui des regards brûlants d’anxiété :
— De grâce, mademoiselle, fit-il vivement, affectez plus d’indifférence… Souriez… on nous épie peut-être… Souvenez-vous que nous ne
devons pas nous connaître, que nous sommes étrangers l’un à l’autre…
Et il se mit à entamer très haut l’éloge de la dernière pièce du Gymnase, jusqu’à ce qu’enfin, pensant avoir suffisamment donné le change, il
se rapprocha un peu, et baissant la voix :
— Il est inutile, mademoiselle, poursuivit-il, de vous dire que je suis
M. de Brévan…
— Je vous avais entendu annoncer, monsieur… répondit sur le même
ton Mˡˡᵉ de la Ville-Handry.