Biographie : Son père Anselme Jarry (1837–1895) était un vendeur qui sombra dans l’alcoolisme; sa mère Caroline, née Quernest (1842–1893), s’intéressait à la musique et à la littérature, mais sa famille avait une tendance à la folie, et sa mère et son frère furent institutionnalisés. Le couple eut deux enfants survivants, une fille Caroline-Marie, appelée Charlotte (1865–1925), et Alfred. En 1879, Caroline quitta Anselme et emmena les enfants à Saint-Brieuc en Bretagne.

En 1888, la famille déménage à Rennes, où Jarry entre au lycée à 15 ans. Là, il dirige un groupe de garçons qui aiment se moquer de leur professeur de physique bien intentionné, mais obèse et incompétent, un dénommé Hébert. Jarry et son camarade de classe, Henri Morin, ont écrit une pièce qu’ils ont appelée Les Polonais et l’ont interprétée

avec des marionnettes dans la maison d’un de leurs amis. Le personnage principal, Père Heb, était un gaffeur avec un gros ventre, trois dents (une en pierre, une en fer et une en bois), une seule oreille rétractable et un corps déformé. Dans l’œuvre ultérieure de Jarry, Ubu Roi, le Père Heb deviendra Ubu, l’un des personnages les plus monstrueux et

étonnants de la littérature française. À 17 ans, Jarry réussit son baccalauréat et s’installe à Paris pour préparer son admission à l’École normale supérieure. Bien qu’il n’ait pas été admis, il a rapidement attiré l’attention pour ses poèmes originaux et ses poèmes en prose. Un recueil de son œuvre, Les minutes de sable mémorial, est publié en

1893. Cette même année, Jarry a contracté la grippe. Sa mère et sa sœur l’ont soigné, mais une fois rétabli, sa mère est tombée malade de la maladie et est décédée; deux ans plus tard, son père a également péri de la grippe, laissant à Jarry un petit héritage qu’il a rapidement dépensé. [5] Jarry avait entre-temps découvert les plaisirs de l’alcool, qu’il

appelait «mon herbe sacrée» ou, en se référant à l’absinthe, la «déesse verte». On raconte qu’il a déjà peint son visage en vert et qu’il a traversé la ville à vélo en son honneur (et peut-être sous son influence). Lorsqu’il a été enrôlé dans l’armée en 1894, son don pour renverser les notions a vaincu les tentatives d’inculquer la discipline militaire. La

vue du petit homme en uniforme beaucoup trop grand pour sa taille de moins de 1,50 mètre – l’armée ne délivrait pas d’uniformes assez petits – était si dérangeante qu’il était dispensé des défilés et des exercices de marche. Finalement, l’armée l’a renvoyé pour des raisons médicales. Son expérience militaire a finalement inspiré son roman Days and Nights. Père Ubu (plus tard: Ubu Roi), d’après une gravure sur bois par Alfred Jarry Jarry est retourné à Paris et s’est

appliqué à l’écriture, à la boisson et à la compagnie d’amis qui ont apprécié sa conversation spirituelle, douce et imprévisible. Cette période est marquée par son implication intense avec Rémy de Gourmont dans la publication de L’Ymagier, revue «d’art» luxueusement produite consacrée à l’analyse symbolique des estampes médiévales et populaires. Le symbolisme en tant que mouvement artistique battait son plein à cette époque, et L’Ymagier a fourni un

lien pour bon nombre de ses principaux contributeurs. La pièce de théâtre de Jarry, Caesar Antichrist (1895), s’inspire de ce mouvement pour la matière. Il s’agit d’une œuvre qui comble le fossé entre la signification symbolique sérieuse et le type d’absurdité critique auquel Jarry serait bientôt associé. Utilisant le livre biblique de l’Apocalypse comme

point de départ, César Antichrist présente un monde parallèle de symbolisme formel extrême dans lequel le Christ est ressuscité non pas comme un agent de la spiritualité mais comme un agent de l’Empire romain qui cherche à dominer la spiritualité. C’est un récit unique qui relie efficacement la domination de l’âme aux avancées contemporaines dans le domaine de l’égyptologie telles que la fouille de 1894 de la palette Narmer, un ancien artefact utilisé pour situer le

rébus dans l’herméneutique. Le personnage Ubu Roi apparaît pour la première fois dans cette pièce [6]. Jarry (à gauche) et Alfred Vallette, rédacteur en chef de la revue littéraire Mercure de France. Vallette a accueilli une présentation d’Ubu Roi dans la maison de Vallette en 1894. Le printemps 1896 voit la publication, dans la revue Le Livre d’art de Paul Fort, de la pièce en 5 actes de Jarry, Ubu Roi, le Les Polonais réécrit et agrandi de ses jours

d’école. L’humour sauvage et l’absurdité monstrueuse d’Ubu Roi, à la différence de tout ce qui a été joué jusqu’ici dans le théâtre français, semblaient peu susceptibles d’être joués sur scène. Mais l’impétueux metteur en scène Aurélien-Marie Lugné-Poe a pris le risque en produisant la pièce dans son Théâtre de l’Œuvre. Lors de la soirée d’ouverture (10 décembre 1896), avec les traditionalistes et l’avant-garde dans le public, le roi Ubu (joué par Firmin

Gémier) s’avança et entonna le mot d’ouverture «Merdre! (souvent traduit par « Pshit » ou « Shittr! » en anglais). Un quart d’heure de pandémonium s’ensuivit: cris indignés, huée et sifflement des parties offensées, contrés par les acclamations et les applaudissements du contingent plus dégénéré. Ces interruptions se sont poursuivies tout au long de la soirée.

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