Ce soir-là, je le rencontrai avec Letty, qui marchait à côté de lui, revenant tous deux du côté des grèves. Au tournant du sentier où nous nous
croisâmes, je crus m’apercevoir qu’elle était sur le point de pleurer, et, les
yeux levés sur lui, elle avait l’air de lui demander avec instance une chose
ou l’autre…
J’ai su plus tard, d’elle-même, ce qu’elle sollicitait ainsi. Car
elle l’aimait, en effet ; elle ne pouvait se faire à l’idée qu’il resterait sous
le coup du mépris de tous. – Si réservée, si timide qu’elle fût en général, elle venait, ou peu s’en faut, de lui avouer son penchant pour lui :
en conséquence elle le suppliait de ne point la déshonorer, mais de répondre
comme il le devait à mon sauvage défi.
Quand il s’obstina dans son refus, – répétant qu’il était mal de se
battre, – elle regretta tellement de s’être ainsi laissé entraîner, de n’avoir
rien obtenu, qu’elle lui adressa au sujet de sa lâcheté des reproches cent
fois plus poignants que ceux de toute notre jeunesse.
C’est elle-même, monsieur, qui par la suite me l’a raconté. Sa conclusion fut que de sa vie
elle ne lui adresserait plus la parole…
Et pourtant elle l’a fait… Et la dernière parole humaine qu’aient entendue ici-bas, les oreilles de Gilbert, a
été la bénédiction que lui adressait Letty