Mais, celles qui recueillent ainsi des enfants ont au moins la joie de
voir leur visage et leur sourire, d’épier les promesses de l’avenir chez ces
petits êtres qu’elles façonnent à leur guise, de les suivre plus tard dans le
développement heureux de leur vie…

Et je trouve plus étonnantes encore et plus surhumaines celles qui
recueillent les vieillards, car, de ceux-là, il n’y a jamais rien à attendre,
que la lente décomposition et la mort.

Au nombre de ces dernières est la demoiselle Joséphine Guillon, qui
d’abord rêvait de fonder un orphelinat de jeunes filles, mais qui, à la suite
de je ne sais quelle vision mystique, pendant l’extase d’un pèlerinage,

crut comprendre que le Christ lui demandait un sacrifice plus lourd, et se
consacra aux vieux pauvres, aux vieilles pauvresses.

De la même école, mais d’une plus humble origine, est cette Mariette
Favre, qui, après avoir servi comme domestique pendant vingt ans, reprit sa liberté vers la quarantaine, dans le but bien arrêté de consacrer

à des vieillards sans foyer ses petites économies et le reste de ses forces
épuisées. Sa première recrue fut une vieille mendiante aveugle, avec qui
elle partagea son unique chambre : une vieille paralytique ne tarda point

à venir s’installer en troisième dans le singulier ménage ; puis, naturellement, la porte étant ouverte, il en arriva d’autres, toujours d’autres…

Et aujourd’hui plus de cinquante débris humains sont groupés autour de
Mariette Favre, logés dans des bâtiments qu’elle a fait construire avec le
fruit de ses quêtes, nourris, chauffés comme par miracle, on ne sait plus
avec quel argent. En admirant tout cela, on doit renoncer à comprendre.

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