Quelque chose de grand et de despotique se rencontrait dans ce vieil Homère qui gardait en lui-même une Odyssée condamnée à l’oubli. C’était
une grandeur si réelle qu’elle triomphait encore de son abjection, c’était
un despotisme si vivace qu’il dominait la pauvreté. Aucune des violentes
passions qui conduisent l’homme au bien comme au mal, en font un forçat ou un héros, ne manquait à ce visage noblement coupé, lividement
italien, ombragé par des sourcils grisonnants qui projetaient leur ombre
sur des cavités profondes où l’on tremblait de voir reparaître la lumière
de la pensée, comme on craint de voir venir à la bouche d’une caverne
quelques brigands armés de torches et de poignards. Il existait un lion
dans cette cage de chair, un lion dont la rage s’était inutilement épuisée
contre le fer de ses barreaux. L’incendie du désespoir s’était éteint dans
ses cendres, la lave s’était refroidie ; mais les sillons, les bouleversements,
un peu de fumée attestaient la violence de l’éruption, les ravages du feu.
Ces idées, réveillées par l’aspect de cet homme, étaient aussi chaudes dans
mon âme qu’elles étaient froides sur sa figure