— Oui, dit Salvator avec un sourire, je comprends, vous avez besoin
d’être convaincu.
— Mais alors, si vous étiez convaincu vous-même, pourquoi avoir attendu jusqu’aujourd’hui ?
— Parce que j’ai voulu en arriver moi-même à n’avoir plus aucun
doute.
Ne valait-il pas mieux attendre que de vous déchirer le cœur par
une fausse joie ? Dès que cela m’a été possible, je me suis rendu à Rouen.
J’ai demandé à voir le curé de La Bouille. Il était mort.
Une servante m’a
dit alors que, quelques jours auparavant, un monsieur de Paris, qu’à sa
tournure on pouvait reconnaître pour un militaire, quoiqu’il portât l’habit bourgeois, était venu demander le curé, et, à son défaut, une personne
qui pût le renseigner sur le sort d’une petite fille qui avait été élevée dans
le village, mais qui, depuis cinq ou six ans, avait disparu. J’ai deviné facilement que le monsieur, c’était vous, général, et que vos recherches avaient
été infructueuses.
— En effet, dit le général, vous ne vous trompez pas.
— Alors je me suis informé, auprès du maire de la paroisse, s’il ne
restait pas dans le pays des gens du nom de Boivin ; on m’a indiqué quatre
ou cinq Boivin qui demeuraient à Rouen.
Je les ai vus les uns après les
autres, et j’ai fini par découvrir une vieille fille du même nom, qui avait
hérité des petites économies, meubles et papiers de sa grand-tante. Cette
vieille fille avait donné des soins à Mina pendant cinq années :
elle la
connaissait donc parfaitement ; et, si j’eusse conservé un doute, la lettre
qu’elle retrouva et que je viens de vous remettre l’eût bientôt dissipé.
Florian D’ABLON –
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