J’étais mal à l’aise, et j’eusse éprouvé du soulagement si ma présence,
remarquée, eût mis fin à une scène dont j’observais les détails malgré
moi.
Outre cela, j’étais surpris des pleurs de Susanne que je savais gâtée
par ses parents. Incapable alors de concevoir qu’un rêve contrarié suffit
parfois à engendrer de mortelles douleurs dans l’âme d’une fille esclave
de ses impressions, je me demandais avec étonnement, comme le père et
la mère, ce qu’elle avait.
Le père, homme de haute taille, gros en proportion, d’une santé luxuriante, quitta son fauteuil et se promena de long en large. Il s’arrêta ensuite devant sa fille, et, les bras croisés, lui adressa des paroles très-dures.
Autant que je puis me le rappeler, entre autres choses, il lui dit :
« Qu’il
était navré de la voir payer d’ingratitude l’affection de parents qui l’aimaient plus qu’eux-mêmes ; que l’obstination de son muet chagrin n’était
pas concevable, puisqu’on allait au-devant de ses moindres fantaisies ; que
si c’était son mariage prochain qui l’affectât de la sorte, elle ne balançât
point de l’avouer :
elle ne devait pas craindre de briser une fois de plus le
cœur d’un père et d’une mère dont elle avait fait incessamment le jouet
de ses caprices. »
En dépit de ces âpres reproches et des caresses de sa
mère, Susanne ne bougea pas. Elle était immobile comme une roche au
travers de laquelle filtre goutte à goutte l’eau d’une source.
Florian D’ABLON –
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