Devant une de ces abominables baraques se trouvaient des êtres,
hommes et femmes, qui nous regardaient venir ; les hommes en pantalons
de toile percés aux genoux et tombant en loques le long des jambes, les
femmes avec des robes semblables et les cheveux sur les épaules, comme
du chanvre, enfin qu’est-ce que je puis dire ?
C’est ce qu’on appelle les
Bruyères. Derrière, sur une petite hauteur, s’étendaient trois ou quatre
champs qui paraissaient avoir été remués ; mais faute d’eau rien n’y venait, on avait de la peine à reconnaître que c’étaient des pommes de terre.
En regardant ces choses nous arrivâmes à la porte de Jean-Pierre
Abba. Georges s’était remis à sonner, les malheureux se prosternaient.
Et d’abord nous entrâmes dans une espèce de cuisine, l’âtre couvert de
cendres dans un coin, les petites poutres du plafond si basses, qu’il fallut nous découvrir.
Une vieille femme, la tête toute grise, était assise sur
un escabeau, ses deux bras secs et jaunes par-dessus le chignon ; elle ne
remuait pas et sanglotait par secousses. M. Jean Rantzau et Louise se tenaient debout près d’elle, étant accourus tout de suite à la nouvelle du
malheur. M. Jean disait :
« Courage, Zalie, courage !… Je ne vous abandonnerai pas… non… jamais… jamais… Jean-Pierre était un brave homme, un de mes vieux compagnons… un ancien ouvrier de mon père… Ne craignez rien… Comptez
sur moi ! »
Florian D’ABLON –
.