Les membres du conseil de ville n’avaient d’abord pas compris un
mot à cette affaire ; ils ignoraient jusqu’à l’existence de la vallée ; mais
comme, en fin de compte, d’où qu’il vienne, l’argent est toujours bon à
prendre, après plusieurs pourparlers assez longs, l’ayuntamiento, réuni
en conseil, avait consenti à vendre au sieur No Santiago Lopez, cultivateur, ainsi désigné, la propriété pleine et entière de toute la vallée, pour
lui et ses hoirs ou ayants droit en jouir, vendre ou céder à leur guise et
sans autorisation préalable de personne, moyennant la somme de deux
mille piastres fortes, en bon argent sonnant et trébuchant, marquées au
coin du roi actuellement régnant.
À cette vente était annexé sur la demande expresse du forestier, le
droit de chasse à perpétuité et en toute saison sur la montagne, dans un
périmètre de quinze lieues tout autour de la dite vallée, et cela moyennant
une seconde somme de mille piastres une fois payée.
Une seule réserve était faite en faveur de Sa Majesté le roi, si, pendant
son séjour à Tolède, où il venait assez souvent, la fantaisie lui prenait de
chasser dans la montagne ; ce qui élevait la vente à la somme ronde de
trois mille piastres, soit quinze mille francs de notre monnaie, laquelle
somme devait immédiatement être versée entre les mains du conseil de
la ville par le notaire chargé de l’achat.
Ce que celui-ci fit séance tenante ; on lui remit alors l’acte de vente
parfaitement en règle, et les consuls de la noble cité tolédane se frottèrent
joyeusement les mains, car ils avaient fait une excellente affaire.
À cette époque comme aujourd’hui, les montagnes de Tolède jouissaient d’une si exécrable réputation, comme servant de refuge à tous les
bandits de la province, qui tuaient et détroussaient les voyageurs, sans que
jamais les alcades ni leurs alguazils osassent s’y opposer, que nul n’aurait
osé élever des prétentions sur la vallée qu’il avait plu à No Santiago de
choisir pour y établir sa demeure
Florian D’ABLON –
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